Malaisie

Nous visitons la Malaisie quatre semaines : deux semaines en janvier et deux semaines en mars 2017. Chaleur humide, très humide, trop humide. A tel point que lorsque je sors des magasins climatisés j’ai de la buée sur mes verres de lunettes ! Le temps est souvent nuageux, beaucoup d’averses et même des journées entières de pluies diluviennes, mais toujours sous 28-30°C ; des rideaux d’eau rendant les routes impraticables, avec chute d’arbres et effondrement de route quand nous sommes à Fraser Hill (à part ça, les routes en Malaisie sont impeccables ; rien à voir avec l’Amérique latine !).

Le décor : des cultures de palmiers à huile partout dans le pays qui rendent le paysage vraiment tristounet. Des immeubles en construction, d’autres terminés mais inhabités. V’voyez l’ambiance.

Au vu du parc immobilier, des infrastructures routières et des véhicules (fini les tricycles, et ici le port du casque sur les deux-roues est respecté, etc..), la Malaisie semble nettement plus développée que sa voisine Thaïlande.

Mais il reste une grosse frange de la population qui vivote, logée dans des cabanons avec des réseaux d’eau type bidonville. Les bords de route s’apparentent à des déchetteries. Bref, un pays où la nature ne semble pas être la priorité.

Parallèlement à ce visage de « pays pas encore tout à fait développé », il y a le circuit international de Formule 1 de Kuala Lumpur, pour briller à l’international – mais le climat et l’entretien moyen font que les bâtiments sont déjà bien vieillis… des herbes poussent dans les gradins !

Les conditions climatiques ici sont terribles. On se réfugie sitôt qu’on le peut dans le musée climatisé du circuit automobile ! Ce type d’investissement est sans doute soutenu par la manne financière du pétrole et des pays du Moyen-Orient dont la Malaisie est très proche, because la même religion. La Malaisie est commercialement très liée avec ces pays arabes.

Certes il y a quelques très belles plages où l’eau y est bien chaude ; mais les sacs plastiques, bouteilles et autres déchets sont nombreux. Et les parcs nationaux tentent de conserver quelques bouts de forêts, entourés de toujours plus de plantations de palmiers à huile chaque année. Sans parler de la nouvelle ville « Genting Highlands », un immense chantier en pleine jungle à 2000m d’altitude à quelques dizaines de minutes Kuala Lumpur (KL pour les intimes) : des bâtiments sans charme, des milliers de cubes de béton, casino et parc d’attraction indoor (car avec climatisation).

La classe moyenne/aisée de KL vient se rafraîchir et se divertir ici. Route sinueuse 2×2 voies pendant des kilomètres, certains moteurs chauffent… Mais c’est loin d’être ambiance champêtre ! Personnellement, on ne comprend pas l’intérêt de quitter leur appartement de KL pour venir s’enfermer dans un autre appartement ici à Genting Highlands… Et surtout, quel gâchis cette forêt décimée !

Comme partout où nous sommes passés en camping-car, les locaux sont super sympas. Les Malaisiens sont sans doute sur le podium des populations les plus accueillantes qu’on ait vues. C’est-à-dire qu’ils n’ont pas l’habitude de voir des camping-caristes, alors on est « l’attraction du jour ». Aux feux-rouges on se fait prendre en photo sous toutes les coutures; sur l’autoroute ils nous doublent et prennent des photos à la volée. Quand il s’est agi de trouver un endroit où entreposer notre camping-car pour un mois, en moins de 2 heures on avait l’embarras du choix, les gens qui nous accostent sur le bord de route nous proposent tout de suite de le laisser devant leur maison. C’est comme ça qu’on a connu Kuhen, fan de Peugeot. Il en importe d’Angleterre (because le volant à droite ;-)) et milite pour cette marque, la meilleure au monde selon lui (les modèles GTI seulement). Il nous demande même de le mettre en contact avec la cellule GTI des usines en France… on cherche toujours comment lui rendre ce service ;-). Il est uber-taxi. Ah ! Uber ! On aura bien utilisé ce service en Malaisie, tellement compétitif par rapport aux taxis officiels de l’aéroport de KL ! Et il parait qu’il y a même mieux que Uber en Asie : Grab.

Autre exemple d’accueil chaleureux des Malaisiens. Nous dormons une nuit sur un parking au centre de KL, vers la mosquée nationale. A 20h, quelqu’un frappe. C’est John qui travaille dans les bureaux de l’Etat en face et qui nous a vus arriver durant la journée. Ce soir, il est venu avec sa femme et ses 3 enfants ; une visite de notre maison roulante s’impose. Le taxi qu’on a pris pour rentrer des tours Petronas une demi-heure avant avait aussi fait sa petite visite des lieux. Qu’est-ce qu’on s’est marré avec ce taxi d’ailleurs ! Quand il nous demande dans quel hôtel nous sommes, on lui répond qu’on dort au parking auquel il va nous déposer. Il n’en croit pas ses oreilles qu’on dorme dans notre « véhicule » avec nos 3 enfants. Il parie le prix de sa course qu’on lui raconte des cracks !  Le lendemain à 8h, alors que nous sommes encore au lit, John frappe à nouveau. Il nous a acheté deux Nasi Lemak, le p’tit déj traditionnel d’ici : riz au jus de coco, mini-poissons frits, œuf et sauce épicée.

Niveau culinaire justement : on se régale de pratas indiennes ! Nous avions découvert ce plat dans le quartier indien de Singapour début janvier, et sitôt que c’est possible, nous y regoûtons. La version malaisienne appelée est tout aussi délicieuse. Parfois, c’est un plus épicé que prévu, même au McDo. McDo halal bien sûr. C’est régulièrement que nous voyons des gens manger sans couvert, avec la main droite (car la main gauche est impure). Mais par contre, pour ceux qui mangent avec des couverts, les restos proposent rarement des couteaux. C’est donc fourchette et cuillère. Très pratique quand tu dois découper ton poisson ou ta viande ;-). En tout cas, fini les baguettes !

La barrière de la langue est un peu moins pesant qu’en Thaïlande car nombreux sont les Malaisiens qui parlent anglais. Ce qui est étonnant, c’est qu’ils utilisent le même alphabet que le nôtre, mais qu’ils maitrisent aussi l’alphabet arabe du fait d’être musulmans; mais ils ne parlent pas l’arabe du tout. Ils savent écrire des mots malaisiens en alphabet arabe, à peu de choses près.

Mais quand nous sommes loin des grandes villes, c’est tout d’suite autre chose. L’anglais est bien moins maîtrisé. Chose que j’ignorais jusqu’à ce que je lise un super bouquin sur la linguistique lors d’une pause bibliothèque dans une petite bourgade : le malais est la 3ème langue la plus parlée au monde !

Enfin, et surtout, la Malaisie, c’est la cohabitation de 3 cultures très différentes sans réelle cohésion nationale. C’en est déroutant. En résumé, voici l’Histoire récente de ce pays : musulmane depuis 1000 ans, les Anglais ont colonisé la péninsule au XVIIIème siècle et y font immigrer des milliers d’Indiens (les Indes sont alors anglaises). Ils encouragent aussi des populations chinoises à s’installer. Pendant 150 ans de domination britannique, le peuple Malais est vraiment délaissé. Aucune de ces 3 communautés n’est forcée à se convertir au protestantisme. Un schéma bien différent de tout ce qu’on a vu en Amérique latine ! Suite à la deuxième guerre mondiale, des groupes indépendantistes Malais profitent de l’affaiblissement des Anglais et s’imposent. Commence alors une politique de reconquête du pays par les forces musulmanes.

Le paysage social aujourd’hui peut se résumer ainsi : les descendants des immigrants chinois sont à la tête des entreprises industrielles ; les Musulmans, qui représentent la majorité de la population, trustent la plupart des postes dans l’administration publique, hôpitaux et tous les métiers indépendants. Les Hindous sont souvent tout en bas de l’échelle sociale, excepté une élite de médecins et avocats. Ces trois groupes conservent toutes leurs traditions (religion, langue, tenue vestimentaire, fêtes, etc…) et les mariages mixtes sont rares. Et du moment où le mariage implique une personne musulmane, le conjoint doit absolument se convertir (homme ou femme). C’est ce qui s’est passé pour le père de John Chesterfield qui, en voyage en Malaisie il y a une trentaine d’années, est tombé amoureux d’une Malaisienne et a donc dû se convertir à l’Islam.

Les 3 communautés vivent bien cloisonnées ; quelques dates importantes sont tout de même fêtées par tous, le Nouvel An chinois par exemple. Ainsi, des guirlandes aux lampions rouges étaient suspendues partout dans l’hôpital public dans lequel j’ai emmené Marguerite qui avait une otite mi-janvier.

Pour réussir ce tour de force de reprendre le contrôle rapidement de leurs pays, les Malais mènent une politique de discrimination positive en faveur des musulmans. On passe une semaine dans la station climatique Fraser Hill. Cette ville à 2000 mètres d’altitude dans la jungle profonde a été bâtie par les Anglais (et surtout par leurs ouvriers indiens et chinois) pour échapper aux chaleurs étouffantes de la plaine. Jusqu’à il y a 10 ans, Fraser Hill était 100% hindoue et chinoise ; aucun Malais n’y était encore venu s’installer. Le gouvernement a fortement encouragé des Musulmans à prendre place ici et désormais, la structure de la population est complètement inversée. Ce sont des Hindous qui nous ont raconté cela, avec nostalgie. Les effectifs dans chacune des 3 écoles primaires de Fraser Hill reflètent bien ce changement récent. Et oui ! 3 cultures donc 3 écoles différentes à chaque fois, pour l’apprentissage des langues maternelles notamment – tamil, chinois ou malais : 40 enfants à l’école malaisienne où le port du voile est obligatoire, 2 enfants dans l’école indienne et 1 enfant dans l’école chinoise. Dingue !

Fraser Hill est sans doute notre plus beau moment en Malaisie. Tout d’abord parce qu’il y fait bon frais (on n’est pas Jurassien pour rien ;-)). Pour traverser la ville à pied, on peut utiliser les chemins de randonnées dans la jungle, une des plus belles forêts tropicales qu’on ait vue pendant notre voyage ; dense, très variée, remplie de petites bêtes.

Des papillons, des oiseaux, des singes, des papillons encore et encore. Depuis notre voyage, c’est fou comme on redécouvre tous ces papillons, que ce soit en Amérique du sud ou ici en Asie du sud-est ; papillons qu’on voit désormais si rarement chez nous en France. Je me rappelle seulement de quelques petites chasses aux papillons quand j’étais petite ! La nature est merveilleuse ici sur les hauteurs à Fraser Hill, et l’homme la laisse tranquille ! On arrive à Fraser Hill un vendredi soir par hasard et le lendemain se déroule l’International Bird Race. Tanguy Marguerite et Justin insistent pour y participer. Ils ont 24 heures pour identifier le maximum d’espèces différentes d’oiseaux, munis de jumelles, de l’appareil photo et de l’énorme bouquin prêté par un gars de l’organisation.

Ils nous étonnent nos loulous ; ils sont à fond, des véritables Bird Lovers, ils marchent des heures dans les sentiers alentours. Il y a 300 participants et ce sont les seuls enfants européens. Alors ils se font prendre en photo sous toutes les coutures ; Marguerite en a marre et ne sourit plus guère. Faut la comprendre, ça leur fait perdre du temps tous ces arrêts photos ! Elle, elle veut gagner ! Ils identifient 54 espèces différentes et gagnent un prix à leur grande surprise (3ème de la catégorie Adulte-Novice).

Tous ces photographes à la cérémonie resteront dans leur mémoire, pour sûr ! Et nous, on repart avec du thé pour 4 ans (leur panier-garni cadeau en plus de leur statuette en verre)

Durant ces quatre semaines en Malaisie, nous voyons des dizaines de mosquées, de styles très différents, parfois très asiatiques, et avons entendu des centaines de fois l’appel à la prière par le muezzin – notre réveil matin souvent ;-(. Il y a aussi des temples chinois et hindous, toujours très colorés.

Avant de mettre le camping-car à nouveau sur un cargo pour l’Australie et de s’envoler pour les Philippines, nous passons une semaine sur la plage de Cherating, côte est : très belles sessions de surf pour Tanguy, restos les pieds dans le sable midi et soir, cure de jus de coco et de soleil.

Seul bémol, comme souvent sur les plages de Malaisie, le Karaoké qui se met en route à 21h jusqu’au milieu de la nuit. Mais ce n’est jamais pire que les concours de sono sur les places de villages brésiliens, qu’on s’rassure !

Alors nous n’avons pas sillonné toute la Malaisie, pays pourtant pas immense ; par fainéantise du conducteur ; j’crois bien qu’il ne supporte pas bien cette chaleur. Du coup, pas vue toute la partie au nord de KL. Et c’est sans doute cette même raison qui nous a fait ne pas prendre le temps de tenter quelques frontière thaïlandaises, pourtant ouvertes, et toujours ouvertes en mai 2017, c’est-à-dire 5 mois après. Grrrrrr !