Argentine Chili
Argentine
Nous arrivons en Argentine par les chutes d’Iguazu. Alors forcément, ça en jette : cascades par dizaines, arcs-en-ciel dans tous les sens et papillons par milliers ! Le côté brésilien et le côté argentin ont chacun leur charme.
On débute la journée avec René et Juana, deux Argentins septuagénaires en pleine forme que nous avons connu la veille sur notre bivouac à l’entrée du site. Juana nous présente comment préparer, et surtout comment déguster le maté – boisson qu’on voit dans les mains de tout l’ monde depuis 48h que nous sommes entrés en Argentine ! Nous espérons bien revoir ce couple attachant lors de notre passage à Cordoba fin octobre, là où ils ont leur petit troupeau de 800 vaches… Mais ils s’accordent quelques escapades comme celle-ci à Iguazu. C’est aussi pour eux l’occasion d’aller faire des achats très bons marchés au Paraguay. Nous, nous n’avons pas le courage d’affronter les heures de queue à la frontière pour aller faire des emplettes. Et puis de toute façon, il n’y a plus vraiment la place de mettre des nouvelles choses dans notre 9m2.
Avant d’entamer les 3 jours de route qui nous séparent de la Patagonie, nous visitons une mine d’ d’améthystes, topazes, quartz, agates… C’est extra de voir ces dizaines de géodes. Nous entrons dans certaines galeries, celles qui ne sont plus exploitées. Il reste de grosses géodes dans la roche car elles sont situées dans des zones qui soutiennent la galerie. L’histoire de cette mine : dans les années 50s, une famille achète un terrain pour y cultiver de la yerba maté, cette plante que tous les Argentins infusent et boivent à longueur de journée. Mais aux premiers coups de pioche, ils découvrent des géodes de pierres précieuses à profusion. Ils changent donc immédiatement de métier et le terrain devient une mine à ciel ouvert. Puis une fois sorties toutes les géodes de surface, ils continuent l’exploitation en profondeur.
Iguazu et mine d’améthystes, l’Argentine commence vraiment sur les chapeaux de roue… mais après ces deux régals, plus grand-chose pendant des centaines de kilomètres. Des paysages plutôt monotones. C’est sûr qu’on devient difficile après les grands parcs nord-américains, les forêts tropicales et primaires d’Amérique centrale, les plages des caraïbes, etc. Cette impression plutôt négative vient-elle aussi du fait qu’il pleut et qu’on a froid (10-15°C) alors qu’il y a deux semaines les enfants kitaient en maillot de bain dans les eaux chaudes du Ceara au Brésil ? Choc thermique ? Sans doute y a-t-il des merveilles de la nature dans ce nord-est argentin, mais nous ne faisons pas l’effort de les trouver alors. Et les guides touristiques ne les vantent pas non plus des masses….
Nous ne lui trouvons pas non plus une personnalité culturelle forte à cette Argentine ; deviendrait-on difficile après les Mayas au Guatemala, les Quechuas en Equateur et au Pérou, les Afro-brésiliens de Bahia, etc. Evidemment, les guides touristiques évoquent le « Tango », les « gauchos » ; mais ce n’est pas une « culture », ce sont des traditions noyées dans une vie très occidentalisée. Finalement, nous ressentons l’Argentine comme une Europe transposée en Amérique Latine, la grandeur architecturale en moins : des villes bien proprettes, des magasins avec vitrines (ce qui est plutôt rare en Amérique latine, des boutiques de décoration d’intérieur, des restos avec tables dressées, du saucisson…; très peu de métissage afro ou indigène contrairement à ses voisins du nord. Bref, vraiment différent de ce que nous voyons depuis que nous sommes entrés au Mexique en décembre 2015 !
Expédition pour voir les éléphants de mer à Punta Ninfas.
A chaque fois qu’il s’agit de s’engager sur des pistes non asphaltées, on y réfléchit à deux fois. C’est traumatisant pour le camping-car, lent, pénible pour le conducteur et bruyant pour les passagers arrières (ça fait caisse de résonnance dans le camping-car). Du coup, on a fait très peu de piste depuis le début de notre voyage comparé à d’autres voyageurs. On préfère parfois ne pas visiter un site pour éviter de faire de la piste. Ou alors on prend un bus/taxi, au Pérou notamment.
Là, nous décidons d’aller voir les éléphants de mer, ce qui implique 60 km de piste, du « ripio » comme disent les Argentins. A l’aller, tout se passe bien. On roule à 15km/h quand la tôle ondulée est très ondulée, et on s’autorise des pointes à 40km/h. On est récompensé : seuls sur une immense plage, on peut approcher de vraiment près ces grosses bêtes de la famille des phoques. Tanguy et Justin qui restent 2 heures de plus que nous sur la plage pour « jouer aux scientifiques » voient aussi une colonie de lions de mer sauter dans tous les sens. Mais un joli cadeau nous attend pour le retour : le ripio s’est transformé en une épaisse boue suite à une nuit pluvieuse. Simon essaye de passer avec les chaines à neige… mais on perd les chaines au bout de 30 mètres. Il essaye une autre technique : rouler à 60km7h pour ne pas s’embourber, glissades dans tous les sens et embrayage qui fume. Technique qu’il a appliquée sur 30km …et ça passe! Marguerite ferme les yeux pendant que ses deux frères sont morts de rire à voir les fenêtres du camping-car se couvrir de boue. Et quelle surprise de voir à notre sortie de ce ripio la famille Bulktrotters que nous avons connue il y a une semaine. Inquiets après avoir vu notre GPS indiquer une position au milieu de nulle part sur cette route boueuse, ils avaient averti les pompiers et la sécurité civile pour venir nous aider. Mais comme ces derniers ne se déplaçaient pas, ils ont essayé de s’approcher.
Les baleines à la plage Las Canteras
Ah ! La Péninsule Valdès dont nous parle Simon depuis des mois ! Cette péninsule qui rythme notre voyage puisqu’ « il faut y être en septembre » nous répète-t-il. Donc nous y voilà ! Et on n’est pas déçus du spectacle (sauf que le spectacle n’est pas à la Péninsule Valdès même, mais plus au sud à la plage Las Canteras vers Puerto Madryn)! Des baleines dans toute la baie, qui ont mis bas et qui profitent des eaux peu profondes, à l’abri des orques, pour élever jusqu’en décembre leur baleineau. Elles viennent si près de la plage, notamment à marée haute ! Une douceur et une sérénité se dégagent de ces couples baleine/baleineau qui vont et viennent jours et nuits ; les bruits des respirations ; les nageoires qui sortent de l’eau. Il paraît que la femelle baleine franche australe est le mammifère le plus patient et le plus doux avec son petit – jamais elle ne s’énerve quel que soit le comportement du baleineau. On reste scotchés devant ces mammifères de 35 tonnes, qui tournent, sautent, soufflent, se laissent porter par le courant… On prend des centaines de photos. Cette plage, c’est le RDV de nombreux voyageurs en camping-car ; Bruno et Renate, en vadrouille depuis 16 années, restent là pendant 2 mois ! Nous, nous attendons un colis (les cours du CNED) qui tarde un peu car la douane argentine de Buenos Aires est terriblement pointilleuse et le transporteur DHL guère averti … L’un dans l’autre, on attend 15 jours ici à Puerto Madryn.
Puis 300km plus au sud, ce sont les manchots de Magellan qu’on découvre. C’est tellement mimi de les voir de si près. L’aménagement de passerelles permet de passer au beau milieu de ces milliers de nids. Et après cette étape « pingouins », nous partons pour 2000km ultra-monotones dans la pampa patagonne. Que c’est ennuyant ce paysage ! On roule toute la journée et on dort dans des stations-service. On n’a pas le courage d’aller jusqu’à Ushuaia… soit disant le bout du monde. En fait, c’est juste la fin de la route argentine mais il y a une ville plus au sud, côté chilien. Déjà que de faire 1200km aller-retour depuis Punta Arenas pour dire d’être allé au bout du bout ne nous tentait pas trop, maintenant qu’on sait que ce n’est que du marketing, ça nous branche encore moins. Car il n’y a pas grand-chose à faire à Ushuaia paraît-il… Et puis comme nous n’avons pas eu le courage d’aller jusqu’en Alaska, ça ne fait pas de jaloux : ni Alaska, ni Ushuaia, na !
Alors pourquoi sommes-nous descendus tant au sud en Patagonie si nous n’allons pas à Ushuaia, hein ? Et bien pour voir le fameux glacier Perito Moreno bien sûr. Et encore une fois, pas déçus d’avoir fait tous ces kilomètres. C’est tellement impressionnant d’approcher un glacier, de l’entendre craquer et de voir tomber des morceaux de glaces ENORMES ! Cette montagne, ça nous gagne ! J’ai toujours préféré les panoramas de montagne aux étendues maritimes. Et ça n’a pas changé ! Le froid c’est bof, mais la montagne et ces glaciers, que c’est majestueux ! Et Simon double la mise en terme d’émotion : un condor tourne à cinq mètres de lui pendant plusieurs minutes, se pose juste devant et repart. Dingue. Moi et les enfants n’auront que les photos de cette rencontre car nous faisions une pause « réchauffage et école » dans le camping-car. Mais nous aurons tout de même eu notre émotion condor en Patagonie, eh eh ! Lors d’une rando dans le parc Torres del Paine, au Chili, deux condors sortent de leur nid juste en contre-bas et montent avec les courants jusqu’à notre hauteur. Ils sont tellement proches qu’on entend le bruit de leur mouvement dans l’air. C’est toujours un bonheur que de partager ces moments en famille.
Bon. Un mois que nous avons froid. Après être allé faire un tour au détroit de Magellan, c’est décidé, on ne traîne plus, cap au nord. Petite escale pour une rando au Fitz Roy, avec la famille Bulktrotters. Avec les Bulktrotters, c’est ambiance «Soy Luna». Leurs filles ont fait découvrir cette série à Marguerite et Tanguy. En plus, elles ont visité les studios à Buenos Aires. Du coup, les nôtres exigent de même en novembre quand on ira en Uruguay. Affaire à suivre. Pour finir, on n’a pas vu le Fitz Roy : 16km de marche dans le vent (de Patagonie, c’est-à-dire fort et froid), et même des petits flocons de neige. Mais pourtant, c’n’était pas prévu la neige dans notre planning Tour du Monde, hein !???!???
15 octobre, nous embarquons sur un ferry pour la Isla Chiloe. On retrouve les Bulktrotters sur la Carretera Austral, qui reviennent d’une expédition sur des routes plutôt sport sur la rive sud du lac . Nous, nous avions opté pour la rive nord, qui semblait avoir moins de ripio selon les photos dans Google Map. On n’avait vu juste ; mais à la frontière le gars nous annonce qu’il faut faire demi-tour car la barrière de la douane est cassée et ne se lève plus suffisamment pour permettre à notre véhicule de passer. 100km de ripio, non merci ! Alors Simon décide de passer la douane en marche arrière, ce qui permet de placer le coffre de toit du bon côté et de pouvoir passer, à quelques centimètres près. On est l’attraction du jour pour ces douaniers qui ne voient passer quasiment personne (j’ai vu leur cahier – on est deux véhicules à passer ce jour-là).
Ah ! Profitons de ce paragraphe pour applaudir l’organisation des douanes Argentine/Chili. Il y en a beaucoup (le long de la cordillère des Andes notamment, mais au sud du continent aussi) et on en aura passé quatre. Toute la paperasse se fait dans le même bâtiment, les douaniers Chiliens et Argentins partageant la même guitoune. Idem pour la douane Argentine/Uruguay. Du bonheur. Les douanes d’Amérique Centrale devraient en prendre de la graine car tous ces p’tits pays qui essayent de constituer une « union économique » sont à des années lumières de l’organisation impeccable de l’Argentine avec ses voisins.
On accélère notre remontée vers le nord et espérons trouver enfin des températures plus cool. Les Bulktrotters avec qui nous faisons ce bout de chemin jusqu’à Serena ont eux aussi hâte de découvrir d’autres pays, eux qui commencent leur périple et arriveront au Mexique à l’été 2017. Alors deux camping-caristes qui veulent rouler, ça booste ! 14000 km en 1 mois et demi. Il faut dire que vivre dans un camping-car quand il fait à peine 10 degrés la journée et 2 degrés la nuit, 80km/h vent en rafale, c’ n’est pas top. On est en chaussons et on boit du thé. Et évidemment, c’est là qu’on galère pour remplir nos bouteilles de gaz et qu’on finit par ne plus en avoir du tout !!! Aie Aie, ces pays trop civilisés qui ne remplissent pas les bouteilles n’importe où, comme on n’en avait pris l’habitude 😉
Nous renouons avec des températures agréables lors de notre semaine à Vicuna, 500 km au nord de Santiago. Simon, Tanguy et Marguerite font du kitesurf sur le lac artificiel et nous passons de bons moments dans la famille d’Erika et Marino qu’on rencontre sur une place de village; Makarena nous prépare des churascas, spécialité chilienne (galette de pâte à pain cuite au barbecue) et on mange des quantités astronomiques d’avocats de leur jardin. Sans doute les meilleurs qu’on n’ait jamais dégustés. C’est désormais certain, nous ne pourrons plus manger d’avocats en France tellement ça n’a rien à voir avec le vrai fruit… En revanche, on compte les jours qu’il nous reste avant de se faire notre orgie de fromages. On nous avait annoncé que l’Argentine et le Chili avaient de bons fromages. On cherche encore….Pas trouvé.
La cordillère des Andes au niveau de Santiago est somptueuse. Monumental. A Mendoza, on découvre une région reconnue pour son vin. Mais ce ne sont pas des petits châteaux à l’Européenne ! Des champs de vignes à ne pas voir le bout des lignées. Et de nombreuses vignes arrangées de tel sorte que la cueillette soit faite debout (c’est-à-dire que les raisins sont tous à hauteur d’épaule-tête). Puis nous arrivons dans la région de Cordoba où nous retrouvons René et Juana qu’on avait connus deux mois auparavant à Iguazu. 24h de parillas (des quantités incroyables de viandes cuites au barbecue), du porc et du bœuf au petit déj, le midi et le soir. Le dimanche, nous allons à l’anniversaire de leur belle-fille, l’occasion pour nos enfants de se faire encore des nouveaux amis. Internet aide à rester en contact facilement et Tanguy « snapchate » tout son p’tit monde. On passe deux jours avec chez la famille Peccoud. Des discussions sur la politique argentine surgissent rapidement. Et le verdict est clair : tous autour de la table (agriculteurs, entrepreneurs, employés) nous disent que leur pays est doté des ressources parmi les meilleures au monde mais que malheureusement ils sont dirigés par des présidents voleurs depuis cinquante ans. Leur seul espoir repose sur leur nouveau président, élu il y a un an. Notre petit tour d’Argentine confirme ce clientélisme et autres malversations, détournements de fonds. Deux exemples flagrants : à Rio Gallegos, ville au fin fond de la Patagonie, fief de l’ex-président Kirchner, il y a une autoroute sur 30 km avant d’arriver dans sa ville, des lampadaires tous les 10 mètres, des passerelles piétons qui ne mènent nulle part (et pour cause, c’est la pampa de chez pampa, avec AUCUNE maison à moins de 10 km). Deuxième exemple, l’infrastructure routière du village de El Calafate, au pied de la cordillère des Andes (le glacier Perito Moreno), fief de l’ex-présidente Kirchner : le pompon revient à une route deux fois deux voies, illuminées bien sûr, qui mène à un rond-point avec une seule sortie… la route de laquelle tu viens ! Et tu refais donc les kilomètres dans l’autre sens, super asphalte, super lumières… Cherchez l’erreur quand vous avez des routes pleines de trous sur des centaines de kilomètres en périphérie de Buenos Aires !
La famille Peccoud. Le grand-père de René, fils du maire d’Annecy au début du XXème siècle, a fui la France en 1914 et n’est jamais revenu vivre dans son pays natal. René est né en Argentine et vit sur les terres achetées par son grand-père il y a un siècle. C’était 2000 hectares de forêt dense, coupée menue et vendue en charbon ; désormais champs de blé, maïs et soja et 800 vaches. Il n’en a aujourd’hui plus que 1200 hectares car René a dû vendre une partie dans les années 90s lors de la crise inflationniste, pour pouvoir rembourser ses prêts passés à des taux démentiels de 50%. Malgré ses racines françaises, il ne parle pas français. Ce n’était pas de bon ton d’entretenir ses racines dans cette vague d’immigration du début du XXème siècle visiblement.
Nous faisons route maintenant vers Montevideo, pour quitter le continent américain que nous parcourons depuis 20 mois.
Octobre, c’est aussi le mois où on analyse la situation pour 2017. Où ? Quand ? Comment ? Comment être partout à la bonne saison ? On se décide enfin : ce sera l’Asie du sud-est de janvier à mai, et on finira ce tour du monde par l’Australie. On fait une croix sur le retour par le Moyen-Orient et l’Europe de l’est.
Derniers commentaires sur Argentine et Chili, en vrac :
– chaque retrait en banque est taxé d’une commission bien rondelette, largement la plus élevée de tout notre voyage
– les distances sont tellement longues entre chaque « point d’intérêts » ! On nous avait prévenu ; et vraiment rien à voir entre deux sites. La pampa, la pampa ou la pampa !
– les Argentins se couchent très tard, y compris les enfants. 23h serait une heure normale. Pourquoi donc demandons-nous ? Telenovelas bien sûr ! Pourtant, ils vont à l’école à 8h-8h30.
– la tenue des jeunes écoliers argentins est une simple blouse blanche par-dessus leurs vêtements, ce qui les fait ressembler à des infirmiers, de 4 à 12 ans.
– les Argentins et les Chiliens sont très sympas, comme ailleurs !